La vie de Tata

Chère petite Tata…

Chère petite Tata,

Si je t’écris cette lettre aujourd’hui, c’est pour te dire qu’un jour, ça ira bien.

Les adultes pensent souvent que les petits enfants ne se rappellent pas de grand-chose. Et donc, qu’on peut les faire souffrir en toute impunité. Mais moi, je sais très bien que tu vas te souvenir toute ta vie de cet évènement, où tu as fait preuve de beaucoup de courage pour ton âge.

Tu as à peine cinq ans, mais tu dois déjà penser comme une grande…

Tu vas très vite te rendre compte que les adultes pensent toujours savoir ce qu’il y a de mieux pour les enfants. Alors, tu vas te dire qu’il faut leur faire confiance.

Tu vas entendre très souvent que tu es très mature pour ton âge. Mais, quand tu vas leur faire remarquer qu’ils se trompent, on te demandera de te taire et de faire ce qu’on te dit. Quand ça ne les arrangera pas que tu sois une petite fille perspicace et intelligente, ils te rabaisseront et t’humilieront.

Ils sont marrants les adultes avec leurs drôles de règles. Un jour, tu es assez grande pour garder tes frères et sœurs toute seule, et le lendemain, tu es trop petite pour savoir si oui ou non tu veux faire ta communion.

Mais comme tu es bien élevée et que tu as peur, tu obéiras.

Pendant ton adolescence, les choses ne vont pas s’arranger.

Tout d’abord, tu vas très vite avoir un vrai corps de femme. Et certains hommes vont oublier que tu n’en es pas vraiment une. Quand tu vas en parler, on va te répondre que c’est normal qu’ils soient attirés par tes formes et que tu devrais te sentir flattée.

Mais non, car tu n’auras que treize ans. Ce sont juste des porcs.

Des gens que tu aimes profondément et sans conditions vont te laisser tomber. C’est à ce moment-là que tu vas perdre le peu de confiance qu’il te restait envers les adultes.

Tu vas aussi voir et vivre des choses qu’aucun enfant ne devrait subir. Et indirectement, on va te demander de devenir une adulte.

Tu vas grandir beaucoup trop vite et tu ne connaîtras pas de période d’insouciance. Tu ne pourras pas te permettre de faire des bêtises comme n’importe quel adolescent.

Au début, ça va te plaire car tu vas te sentir importante et indispensable. Tu es l’aînée de la famille et tu auras le sens des responsabilités. Tu sauras bien prendre soin des autres. Mais toi, tu n’auras pas vraiment quelqu’un pour prendre soin de toi.

Tu fais peut-être partie d’une famille nombreuse, mais tu auras très souvent l’impression d’être seule.

Le jour de tes dix-sept ans, tu vas recevoir une carte d’une personne bienveillante.

Dessus, pas de « Bon anniversaire ! ». Mais une citation d’un poème d’Arthur Rimbaud.

« On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. »

A ce moment-là, tu ne vas pas y prêter attention car tu seras en mode guerrière.  Mais des années plus tard, cette phrase résonnera en toi et tu comprendras.

Quand tu vas entamer ta vie d’adulte, tu vas commencer à prendre des décisions pour te protéger et penser un peu à toi. Mais certaines personnes ne vont pas comprendre. Ils vont te dire que tu es égoïste.

Je peux te dire avec du recul, que ce sont de très bonnes décisions et que c’est eux les égoïstes.

Par contre, tu vas passer par une phase où tu seras détestable avec les autres. Même ceux qui te voudront du bien. Sur ce coup-là, je ne suis pas d’accord avec toi. Eux, ils n’en peuvent rien, ils ne savent pas.

Malgré la distance que tu vas prendre avec ton passé, tu ne te sentiras jamais vraiment libre. Et tu vas vraiment te fermer.

Mais petit à petit, tu vas te sentir de mieux en mieux dans tes baskets. Car oui, tu aimeras toujours autant les baskets.

Tellement mieux que tu vas recommencer à te sentir à l’aise en société.

A tel point, qu’un jeudi soir, autour d’une pizza, tu vas enlever ton armure de guerrière que tu aimes tant et raconter ton histoire à une personne à qui tu ne pensais jamais dire tout ça. Peu de gens la connaisse vraiment. Tu n’aimeras pas trop en parler. Sur le moment, ça te paraîtra être une bonne idée car tu penseras que tu avais mis cette partie de toi de côté.

Pas tant que ça finalement.

Parce qu’après ça, tu auras peur que cette personne te voie différemment.

Mais ce n’est pas si grave. C’est peut-être un signe que tu recommences à faire confiance aux gens.

Tu auras aussi tendance à culpabiliser parce qu’il y a des petites filles, qui vivent des choses bien pire que toi. Mais au fond, personne ne peut juger le mal-être qu’une personne peut ressentir. Et surtout pas les adultes qui savent soi-disant tout.

Il y a certaines choses de bien par contre qui ne vont pas changer.

A 32 ans, « Grease » sera toujours ton film préféré. Tu écouteras toujours les Spice Girls avec autant de plaisir qu’à tes dix ans. Et tu continueras à rouler tes crêpes si tu y mets du chocolat, mais à les plier en triangle si c’est de la cassonade.

Ah oui, j’allais oublier…

Plus tard, tu auras une petite fille. Tu vas lui dire très souvent que tu l’aimes, qu’elle est belle, intelligente et que tu es fière d’elle. Tu ne le sais pas encore, mais ne pas entendre ce genre de paroles peut manquer quand on grandit. Alors, tu veilleras à ce que ton précieux l’entende chaque jour que tu passeras à ses côtés.

Je sais que c’est compliqué et que tu as l’impression que tu ne verras jamais le bout. Mais je te promets qu’un jour, ça ira bien.

Certains prendront cette lettre que je t’adresse pour de la vanité mais je m’en fous. Je sais que ce n’est pas le cas. Et avec le temps, tu vas apprendre à ne plus te soucier de l’avis des gens qui ne comptent pas.

On nous dit tous les jours qu’on doit apprendre à s’aimer pour pouvoir être bien avec les autres.

Alors petite Tata, je t’aime et je suis très fière de toi.

Et n’oublie pas que les guerriers aussi ont droit à un peu de repos.

Tata Mackintosh

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